La chute fait partie intégrante de l’activité escalade : un jour ou l’autre, tout grimpeur y est confronté… Alors mieux vaut s’y préparer et être au point quand elle arrive, et ce, de chaque côté de la corde, grimpeur comme assureur…
L’expérience et l’apprentissage sont dans tous les cas nécessaires pour maîtriser au mieux la chute. Attention aux voies faciles, où le risque de chocs contre des prises ou autres proéminences est plus important que dans un dévers tout lisse. Il faut aussi anticiper l’équipement : l’espacement des points d’ancrage et leur solidité… Savoir ainsi différencier les itinéraires exposés ou pas, c’est déjà faire preuve d’un bon savoir-faire…
Vous voilà maintenant en pleine ascension, dans une voie bien équipée et pas trop dure, donc a priori rassurante, et tout à coup c’est le vol inattendu, du fait d’une prise de main qui casse, par exemple… Vous pousserez certainement un cri instinctif, mêlant rage et peut-être peur. Mais peur de quoi au fait ? Ah oui, vous vous faites assuré par un parfait inconnu dont vous n’avez pas pris le temps de vérifier s’il savait manier son beau gri-gri flambant neuf… Effectivement il y a de l’inconscience dans l’air !
Là encore, un maître mot : rigueur ! De plus, la cordée, ça veut dire quelque chose, et la sécurité est une affaire d’équipe, on prend soin de soi et de l’autre… Y compris et surtout dans les gestes les plus basiques de l’assurage : ce sont eux, statistiquement, qui génèrent le plus d’accidents graves. Et ne faites pas confiance en n’importe qui, même celui qui se proclame champion du monde, et même si c’est un super pote ! Il faut avoir testé pour de vrai une chute, avec son assureur habituel, pour se rendre compte de son niveau de préparation et de maîtrise… Rien ne vaut le concret !
Car oui, gérer une chute de A à Z n’est pas simple. Le matériel n’est qu’un outil, aussi perfectionné soit-il (et beaucoup le sont aujourd’hui, en plus de leur grande fiabilité…). Le matériel ne peut en aucun cas se substituer à la maîtrise technique de celui qui l’utilise. En plus, il existe aujourd’hui de nombreux systèmes d’assurage sur le marché, avec chacun leurs spécificités… L’assureur doit aussi être bien positionné, pas trop loin du mur ou de la falaise, effectuer une parade avant le premier point, bien ravaler ou au contraire donner du mou quand c’est nécessaire et en cas de chute savoir “amortir” la chute, pour éviter de “sécher” le grimpeur… Bref, être présent, attentif et sérieux… Là encore, l’apprentissage est nécessaire : les professionnels proposent régulièrement des écoles de vol, c’est un bon moyen de s’y mettre...
On a beaucoup parlé de corde, mais la chute arrive aussi en bloc. Et croyez moi, elle n’est pas anodine… Là encore, le matériel, comme les gros tapis, ne font pas tout. Il faut aussi savoir comment tomber, pour préserver dos ou membres inférieurs. Dans certains cas, la parade peut s’avérer nécessaire, et l’apprentissage pour de vrai est indispensable : position des mains, nécessité de plusieurs pareurs ou pas, réception du grimpeur… Une école de chute est possible, en bloc aussi !
Enfin, si la sécurité est l’objectif premier, c’est même vital, au sens basique du terme, il ne faut pas négliger l’aspect psychologique. Car pour beaucoup, débutants ou pas, la peur de la chute est un facteur limitant dans la progression. Elle est aussi génératrice d’un stress tel que le plaisir s’estompe, ce qui est fort dommage… Car, comme toute peur, elle est bien souvent irrationnelle, même si elle peut s’avérer utile quand il s’agit réellement de “sentir” les situations à risque… S’obliger à tester des chutes, avec un compagnon de cordée de confiance, et si besoin avec l’aide de quelqu’un apte à l’enseigner, cela peut mener à une véritable libération pour celles et ceux qui appréhendent exagérément. Si voler est un passage obligé en escalade, cela vaut vraiment le coup de s’y préparer et ne pas voir cela comme une terrifiante fatalité ! Pour plus de sécurité, et plus de plaisir à grimper...
Bertrand Lagrange