Grenoble, la capitale des Alpes, n’est pas seulement entourée de hautes montagnes. Les falaises et sommets rocheux, plus discrets mais aussi plus proches, y sont nombreux et fréquentés depuis bien longtemps par les grimpeurs. Voici une sélection de quelques sites urbains, classiques et pourtant bien moins fréquentés aujourd’hui.
Le rocher est d’abord un passage incontournable pour les alpinistes désireux de s’entraîner avant d’affronter les sommets. Des itinéraires mixtes, autrement dits “tous-terrains”, sont régulièrement fréquentés sur les pentes du Néron, dès le 19ème siècle. Ils sont encore proche de véritables courses de montagne, avec une approche et une descente à pieds. Mais, à la fois, ces itinéraires sont tous faisables à la journée, du fait de leur proximité avec Grenoble. La plupart sont aujourd’hui délaissés, voire totalement oubliés… A vrai dire, seule la traversée par l'arête sommitale, la voie normale, est régulièrement parcourue. L’escalade y est très facile, plus proche de la randonnée, avec quelques passages nécessitant les mains. Mais le tout est particulièrement aérien : pour ceux qui souhaitent goûter au plaisir du vide, environ 1000 mètres de chaque côté de l’arrête, c’est un incontournable !
Encore plus proche du centre-ville, c’est le site de la Carrière qui devient, dès l’entre-deux-guerres, un laboratoire du geste et de la technique, un peu sur le modèle de ce qui se faisait à la même époque sur les blocs de Bleau, au sud de Paris. On retrouve dès lors les composantes de l’escalade sportive telle qu’on la connaît aujourd’hui. Néanmoins, les premiers à s’intéresser à ce site grenoblois sont encore et avant tout motivés par l’alpinisme, comme le célèbre Lionel Terray, qui y ouvre des passages au-delà du 6ème degré, alors que les chaussons n’existent pas. Allez-vous frotter à la dalle de “baba cool” et ces “rasoirs”, vous comprendrez ce que placement de pieds veut dire ! Ah oui, chose importante à préciser : la Carrière est un site de blocs, situé juste au-dessus de l’Esplanade. La grimpe se fait sans corde et comme les passages sont plutôt hauts (jusqu’à 8 mètres) et les réceptions pas toujours bonnes, mieux vaut y aller avec une certaine humilité, l’engagement y est plus qu’ailleurs une réalité…
Sur la commune de Fontaine, la longue falaise des Vouillants, plus d’un kilomètre de long, surplombe la zone industrielle du même nom. Et quand on dit “surplombe”, c’est vraiment le cas ! D’ailleurs, seule l'extrémité droite est accessible à l’escalade, tout le reste étant occupé par des entreprises souvent bruyantes… Ici, et malgré cette ambiance peu bucolique, ce sont les belles fissures qui attirent les premiers grimpeurs. Dans les années 1950, c’est la mode du piton, des coins de bois, des coinceurs et du “tire-clous”. La plupart de ces voies ont été re-équipées dès les années 1980 sur spits ou broches, permettant ainsi de les grimper en “libre”, sans s’aider et sans se reposer sur du matériel posé. Certaines de ces grandes fissures gardent néanmoins un caractère très engagées… Ou sont même un véritable challenge pour arriver en haut ! La très large fissure du “maigrichon” en est un bon exemple : pourtant modeste 6b, il faut coincer au mieux tout son corps à l’intérieur et ramper au mieux pour espérer avancer entre 2 parois particulièrement lisses et glissantes… On parle alors de “renfougne”, en langage technique. A part ces quelques itinéraires particuliers, le site des Vouillants est encore très largement fréquenté, notamment du fait d’un engagement fort de la commune envers l’escalade et la montagne.
La liste des sites “historiques” pourrait être bien plus longue : en s’éloignant un peu de Grenoble, on aurait pu vous parler de Comboire, des 3 Pucelles, des gorges du Crossey ou bien encore de Lans-en-Vercors… Vous l’aurez compris, l’escalade ne date pas d’aujourd’hui et il est intéressant de découvrir ce que nos anciens faisaient, pour le plaisir “historique” et pour le plaisir tout court de l’escalade !
Bertrand Lagrange